Dans une note d’analyse percutante, publiée sous le titre « La suspension des exportations de cobalt du Congo : une solution à court terme qui nécessite un changement structurel », l’organisation Resource Matters tire la sonnette d’alarme.

Bien que la récente suspension des exportations de cobalt décidée par la RDC ait provoqué une remontée des prix mondiaux de ce minerai essentiel, cette action forte ne suffira pas sans réformes de fond.

L’étude propose une série de mesures concrètes pour transformer la richesse cobaltifère du pays en véritable moteur de développement durable, et replacer la RDC comme puissance régulatrice dans un marché mondial en recomposition.

« Nous avons montré notre force sur les marchés. Mais la vraie puissance viendra de notre capacité à structurer ce secteur autour de données fiables, de règles claires et d’objectifs à long terme », peut-on lire dans le rapport.

Une économie minée par ses propres excès

La RDC détient un rôle central dans la transition énergétique mondiale avec près de 80 % de la production mondiale de cobalt.

Pourtant, entre 2022 et 2024, les prix de ce minerai ont chuté de 39,75 USD à 9,75 USD la livre, provoquant une perte sèche de 300 millions USD en redevances minières pour l’État. Derrière cette descente aux enfers, une surproduction mondiale, fortement aggravée par les volumes massifs du groupe chinois CMOC à Kisanfu.

Malgré sa position de leader, la RDC reste un acteur vulnérable, réagissant plus qu’elle n’anticipe. « La puissance ne réside pas seulement dans la production, mais dans la maîtrise des flux et des prix », rappelle Resource Matters.

Un geste fort qui ne remplace pas une stratégie

La décision de suspendre les exportations, prise en février 2025 par ARECOMS, a temporairement redonné du souffle aux cours mondiaux. Mais selon l’analyse de Resource Matters,

les stocks industriels déjà constitués continueront d’influencer l’offre dès la levée de la mesure, risquant de reproduire le même cycle de chute.

« Sans régulation stricte, sans coordination internationale et sans pilotage économique par l’État, le marché repartira dans l’instabilité », prévient l’organisation.

Des vies impactées, un pays en tension

À Kolwezi, les effets de la suspension sont concrets. « Depuis février, l’usine est au ralenti. On ne vend plus, on attend. Mais avec quoi nourrir les familles ? », s’interroge Clarisse, employée d’un site de traitement.

À l’autre bout du monde, les industriels des batteries s’ajustent déjà, certains envisageant de réduire leur dépendance au cobalt, voire au Congo.

La RDC joue donc gros : soit elle structure son secteur, soit elle risque de perdre sa place au cœur des chaînes d’approvisionnement mondiales.

La voie recommandée : long terme, transparence et partenariat

La note de Resource Matters propose des solutions puissantes et précises :

  • Fixer un prix cible réaliste du cobalt pour éviter les ventes à perte ;

  • Attribuer des quotas d’exportation sur base de plans de production vérifiables ;

  • Interdire l’exportation de produits non transformés, pour stimuler l’emploi local ;

  • Renforcer la commercialisation étatique via la Gécamines ;

  • Créer une base de données nationale sur les prévisions de production ;

  • Engager des partenariats avec l’Indonésie pour coordonner l’offre mondiale.

Conclusion : structurer la richesse pour bâtir la puissance

À travers cette note, Resource Matters délivre un message clair : la RDC ne doit plus se contenter d’exister dans le marché du cobalt – elle doit en devenir l’architecte. Cela implique des choix audacieux, une gouvernance modernisée, et un usage stratégique des données.

« Le moment est historique. La suspension a prouvé que la RDC peut faire bouger les lignes. À présent, il faut aller plus loin : bâtir une stratégie durable pour faire du cobalt un atout pour tous les Congolais. »

Les mois à venir seront décisifs. Le pays a l’opportunité unique de ne plus être le géant silencieux du cobalt… mais un acteur fort et puissant de la transition énergétique mondiale.

Par (Sylvie Manda et Eric Kasongo)

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